Ranjan Ghosh – Destins plastiques

romantisme granitique 2.0

Dans la revue Habitante, n°2.

https://revue-habitante.fr/catalogue/habitante-2

En 2012, la géologue Patricia Corcoran et la sculptrice Kelly Jazvac découvrent, sur la plage de Kamilo Beach à Hawaï, où l’océanographe Charles Moore dit avoir aperçu d’étranges conglomérats de plastique et de sable, 167 fragments de roches, de 2 à 22,5 cm de diamètre, présentant un mélange de basalte et de plastique fondu. Patricia Corcoran, Charles Moore et Kelly Jazvac insistent : ces roches, dénommées désormais plastiglomérats, sont des exemples d’une « action anthropique (la combustion) réagissant à un problème anthropique (la pollution plastique) ». Elles sont en effet les produits de feux de camp allumés sur la plage, et non, comme Charles Moore l’avait d’abord supposé, le résultat d’une interaction spontanée entre lave en fusion et polymères. Le texte de Ranjan Ghosh, paru initialement en février 2021 dans la revue Critical Inquiry, est lui-même un conglomérat, un montage de références et de signes composites. Il est en cela un pur produit de l’ère plastique, à l’image du plastiglomérat-roche et du plastiglomérat-œuvre transformé en ready-made par Kelly Jazvac. Si à la fois Ranjan Ghosh et Kelly Jazvac s’intéressent au plastiglomérat, c’est bien en effet parce qu’ils voient en cette roche l’incarnation d’une nouvelle Nature. Une nature qui n’existe pas en dehors de nous, ce qui reviendrait à continuer à nous penser séparés d’elle, mais une nature produite par nous, formée par nos représentations et actions. Ranjan Ghosh, penseur et professeur au Département d’Anglais de l’Université du nord du Bengale, nous rappelle ici que le monde-plastique que nous habitons est le même monde-plastique que nous fabriquons. Il se place ainsi dans une longue tradition de dévoilement et de déconstruction des récits dominants, dont l’Anthropocène est devenu le dernier exemple en date.