Mashup #2

Poésie de résidence

Le mashup est un art du mélange.

Ici, un poème composé à partir de mes traductions pour une anthologie rassemblant une vingtaine d’auteurs ou d’autrices irlandais.es, accueilli.es en résidence par le Centre Culturel Irlandais au cours des dernières années.

C’est donc ici que nous faisons connaissance.
Réunis à l’ombre de platanes roussis, des
vieillards forment, sur des rythmes hésitants, diverses figures
pour tenir l’âme et le corps en équilibre.
Un miracle de l’espace où l’on peut écrire et penser, 
ignorant tout de cette langue.
Dans ce suspens, doux mais
d’une précision lumineuse, je note que
les extrémités des cerisiers récemment greffés
sont d’un noir ferme et laqué.
À l’angle, un chien fait irruption dans le cadre.
D’arbre en arbre les bicyclettes filent
et fendent la pénombre.
L’accent du serveur une caresse.

Sur notre peau la langueur des minutes avaient le poids du plomb.
L’eau du petit caniveau s’écoulait paresseusement, friable. Rivée à nos talons, 
la respiration du gardien. La Dame aux Camélias hante ses rêves.

Nous avons descendu la butte d’un pas lourd. En sourdine une cloche a sonné derrière 
nous. Cette rue descendait jusqu’à Notre Dame. Nous nous sommes arrêtés pour 
regarder le soir livide se lever.

Petit à petit j’ai mémorisé la carte.
Ce matin, je suis sortie en douce.
Je suis venue ici et j’ai creusé, plongé mes mains
dans la terre.
Cette fleur se faisait remarquer, invasive.
Tu m’as donné son nom,
fleur filant le feu
feu se lysant en fleur
cierge des sorcières, mèche, torche —
car elle aussi se dresse et s’étiole en noir de fumée,
ses gousses comme de la soie brodée sur de la grosse laine,
ses fleurs se faisant mots : à mon seul désir
parlant peut-être la langue de l’onguent possible.

Un sifflement assourdissant, le bruit des portes qui se referment,
le grondement des pneumatiques, la lumière de la dernière voiture
rouge, mourante, disparue.
Seul le public est bien réel.
Quoi qu’il en soit
tu fais désormais partie des fantômes,
érodant le moindre
éclat de granite
anatomisant le sens
toujours moins

Auteurs.trices (dans le désordre) :
John F. Deane, Dermot Bolger, Iggy McGovern, Catherine Phil MacCarthy, Gerard Smyth, 
Afric McGlinchy, Mary Noonan, Caitriona O’Reilly, Doireann Ní Ghríofa, Thomas 
McCarthy, Paddy Bushe, Mary Dorcey, Hugh O’Donnell, John Montague, Michael Coady, 
Harry Clifton, Theo Dorgan, Pat Boran, Edward Denniston.