Poésie de résidence
Le mashup est un art du mélange.
Ici, un poème composé à partir de mes traductions pour une anthologie rassemblant une vingtaine d’auteurs ou d’autrices irlandais.es, accueilli.es en résidence par le Centre Culturel Irlandais au cours des dernières années.
C’est donc ici que nous faisons connaissance. Réunis à l’ombre de platanes roussis, des vieillards forment, sur des rythmes hésitants, diverses figures pour tenir l’âme et le corps en équilibre. Un miracle de l’espace où l’on peut écrire et penser, ignorant tout de cette langue. Dans ce suspens, doux mais d’une précision lumineuse, je note que les extrémités des cerisiers récemment greffés sont d’un noir ferme et laqué. À l’angle, un chien fait irruption dans le cadre. D’arbre en arbre les bicyclettes filent et fendent la pénombre. L’accent du serveur une caresse. Sur notre peau la langueur des minutes avaient le poids du plomb. L’eau du petit caniveau s’écoulait paresseusement, friable. Rivée à nos talons, la respiration du gardien. La Dame aux Camélias hante ses rêves. Nous avons descendu la butte d’un pas lourd. En sourdine une cloche a sonné derrière nous. Cette rue descendait jusqu’à Notre Dame. Nous nous sommes arrêtés pour regarder le soir livide se lever. Petit à petit j’ai mémorisé la carte. Ce matin, je suis sortie en douce. Je suis venue ici et j’ai creusé, plongé mes mains dans la terre. Cette fleur se faisait remarquer, invasive. Tu m’as donné son nom, fleur filant le feu feu se lysant en fleur cierge des sorcières, mèche, torche — car elle aussi se dresse et s’étiole en noir de fumée, ses gousses comme de la soie brodée sur de la grosse laine, ses fleurs se faisant mots : à mon seul désir parlant peut-être la langue de l’onguent possible. Un sifflement assourdissant, le bruit des portes qui se referment, le grondement des pneumatiques, la lumière de la dernière voiture rouge, mourante, disparue. Seul le public est bien réel. Quoi qu’il en soit tu fais désormais partie des fantômes, érodant le moindre éclat de granite anatomisant le sens toujours moins Auteurs.trices (dans le désordre) : John F. Deane, Dermot Bolger, Iggy McGovern, Catherine Phil MacCarthy, Gerard Smyth, Afric McGlinchy, Mary Noonan, Caitriona O’Reilly, Doireann Ní Ghríofa, Thomas McCarthy, Paddy Bushe, Mary Dorcey, Hugh O’Donnell, John Montague, Michael Coady, Harry Clifton, Theo Dorgan, Pat Boran, Edward Denniston.
